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Comprendre les processus identitaires, aujourd’hui.

 

Cartographie

Dans sa présentation des mécanismes psychiques inconscients au début du XXe siècle, Freud avance que la personne se construit en grande partie en s’identifiant aux autres, et en les intériorisant en tant que modèles ou repères. Par rejet ou simple constat de différence – chaque personne découvre et construit tout le long de la vie, ce « je » qu’elle est, jonglant entre idéal de soi et identifications plurielles. En cherchant à faire siennes les caractéristiques souhaitées chez ces autres admiré.e.s, ou à s’en démarquer.

Plus récemment, Albert Bandura dans sa théorie sociale cognitive (1986) avance également la place importante de l’observation des comportements et stratégies des autres, dans l’apprentissage et le développement de ses propres motivations, comportements, émotions, et mécanismes « d’efficacité personnelle ». Ces processus psychologiques prennent tous un certain temps, et la construction identitaire se fait dans un temps linéaire dans les théories du XXe siècle. 

De nos jours, le changement ne fait plus partie de la vie mais est devenu, par sa cadence accélérée, le socle de la vie elle-même.

Zygmunt Bauman a qualifié ainsi la vie post-moderne de « liquide », par sa nature fluide et la transformation constante de ses contours. Dans ce contexte, nous n’avons plus le temps d’observer et intérioriser un modèle ou stratégie considérée comme idéale,  que la situation a déjà changé. Le modèle choisi se trouve dépassé et les processus d’identification et d’apprentissage interrompus. Le tout dans un deuil précipité de cette perspective d’évolution qu’on construisait pour soi. Pour certain.e.s, une difficulté à suivre la cadence de ces adaptations successives, provoque ou amplifie des durcissements identitaires ou l’adoption d’idéologies « prêt-a-penser » de confort. Plus il y a de libertés et d’options se succédant et changeantes, et plus les postures immobiles se multiplient, se renforcent. Elles résistent au changement voire l’attaquent pour se défendre de ce foisonnement constant qui angoisse, car menace toute certitude. 

L’exercice est coûteux en énergie psychique, émotionnelle, physique. 

La découverte de la neuro-plasticité et du fonctionnement des “neurones miroir” nous éclaire aujourd’hui sur le potentiel de changement du cerveau. En découvrant qu’il est malléable jusqu’à son organicité, l’espace des possibles d’évolution devient soudainement infiniment plus vaste. La post-modernité signe ainsi le passage de paradigme de type comme « les gens ne changent pas », vers plutôt la recherche active d’un « changement auto-piloté » (Bandura) consciemment, et non pas subi. Ce mouvement individuel concerne également les modèles collectifs, re-questionnant ainsi nos identités groupales, culturelles, sociales, et même d’espèce. 

Ainsi, qui n’a pas remarqué que la relation homme – animal par exemple est en plein remaniement ?

Fluides et radicales, avec un potentiel de transformation total, les identités mondiales n’ont souvent pas été anticipées dans les modèles classiques de la psychologie, de la sociologie ou de l’anthropologie, développés avant l’avènement d’internet. Aujourd’hui, le flot continu d’informations venant du monde entier provoque une déstructuration de l’espace-temps psychique et oblige à repenser les paradigmes. 

Notre positionnement est de contextualiser la posture du thérapeute et le cadre de l’accompagnement aux réalités historique, sociale, économique, politique que nous vivons tous et toutes depuis nos corps et esprits singuliers.  L’accordage thérapeute – patient prend en considération ces multiples dimensions. La neutralité du thérapeute est construite à partir de la capacité à naviguer dans des mouvements transférentiels et contre-transférentiels à tous ces niveaux. Ainsi, nous nous situons dans une approche ethno-psychologique contemporaine au sens de Georges Devereux, et complexe au sens d’Edgar Morin. 

Plus concrètement, notre positionnement en tant que collectif est partie intégrante de notre manière de travailler, afin de rester dans une approche/posture toujours dynamique.

 

Parwa MOUNOUSSAMY

Nadia ESSAADI

 

Pour aller plus loin :

  • Freud, S. Psychologie des masses et analyse du moi (1921), Puf, coll. Quadrige Grands textes, 2010, 
  • Bauman, Z.La Vie liquideLe Rouergue/Chambon, 2006
  • Devereux, G. De l’angoisse a la méthode dans les sciences du comportement. Paris, Flammarion, 1980 [1967 pour l’édition originale en anglais] rééd. poche, Paris, Flammarion, 1999, coll. « Champs »,
  • Carré, P. Bandura : une psychologie pour le XXIe siècle ? Savoirs, hors série (5), 9-50. doi:10.3917/savo.hs01.0009, 2004
  • Morin, E. Introduction à la pensée complexe, Paris, ESF, 1990. Nouvelle édition : Le Seuil, coll. Points 2005.

 

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